Bonjour,
Fruit du partenariat entre la Maison de la Nature du Sundgau et Le Labo M, une vingtaine de personnes ont visité au mois de novembre la menuiserie et pu voir la scierie en action. Nous avons expliqué le cycle du bois au Morimont en fournissant aux visiteurs une petite carte heuristique des différentes utilisations du bois lorsqu’un arbre tombe dans le coin :
Deux journalistes de l’Alsace étaient présent∙es et ont écrit un bel article pleine page dans le journal : ils ont bien cerné l’esprit du lieu et de l’association :
Quand le Morimont cultive l’autonomie
En novembre, la Maison de la nature du Sundgau, parmi ses différentes propositions de visites ouvertes au grand public, invitait à une sortie centrée sur le cycle du bois : de l’arbre au meuble avec une démonstration de scierie mobile.
En empruntant la combe qui mène à l’hôtel du Morimont, les visiteurs sont envahis par une impression diffuse accompagnée d’un sentiment d’atemporalité, comme s’ils venaient de traverser une frontière, à la fois concrète et subtile. Là, une serre moderne côtoie une immense grange et un hôtel de charme. C’est dans ce cadre qu’a eu lieu l’animation originale proposée par la Maison de la nature du Sundgau : la découverte d’une scierie mobile.
L’optimisation de la ressource locale
Au Morimont, au sein de l’association Labo M, impulsée par Églantine Berthet et Guilhem de Lépinay, le pas de deux, associé à un pas de retrait, est assumé. Ils y cultivent une cohérence combinant l’insertion à l’environnement et le lien social.
L’esprit de la scierie mobile est l’utilisation de la ressource locale, le faire soi-même, l’autonomie.
Parallèlement, un autre objectif est visé par l’association, celle de servir de passerelle de savoirs et de pratiques, de lieu d’échanges, de partage de l’outil. Quitte à sortir du rentable et à œuvrer à contretemps. L’esprit d’Ivan Illich, le penseur de « l’outil convivial », semble souffler en ce lieu.
Et c’est paradoxalement une sorte de luxe que de bénéficier d’un ensemble de conditions qui permettent de mettre en œuvre un processus d’économie circulaire qui était au centre des autarcies villageoises, il n’y a pas si longtemps que cela. Dans la situation concrète de la scierie mobile, le bois « local » trouve un -usage et un débouché quasi intégralement sur place : cela va de la conception d’un escalier intérieur au bougeoir en bois pour les tables de mariage, en passant par le tabouret, la table à cocktail ou une arche à roseraie.
L’esprit de mai 68 ?
Les résidus comme les copeaux trouvent une utilisation ultime comme isolants. Quant à la sciure, mélangée au compost, elle constitue un précieux apport de carbone. Elle peut aussi servir de passe-pieds dans le jardin, de matière de conservation pour les rhizomes des dahlias, voire d’allume-feu. Elle trouve son utilisation dans les toilettes sèches. L’optimisation de la ressource bois est assurément impressionnante et s’inscrit dans une démarche globale.
Alors, le Morimont serait-il devenu le refuge, le bastion, voire le laboratoire de nouvelles pratiques sociétales visant à traverser dans une certaine sérénité les remous de l’histoire et du climat ?
Le lieu s’y prête mystérieusement bien et on ne s’étonne pas qu’y souffle aussi un petit esprit de Franches-Montagnes.
Ce qui s’y révèle aussi c’est l’incarnation d’une partie de la jeunesse qui cherche une sorte de troisième voie entre l’économie de marché pure et dure et le collectivisme. Ce n’est pas si loin de l’esprit de mai 68. Comme si l’Histoire était elle-même circulaire.
Des arbres valorisés à l’endroit où ils sont tombés…
Depuis trois ans, Guilhem de Lépinay passe trois à quatre grumes par an dans sa scierie mobile. Sa matière première, des chablis, des arbres déracinés pour des raisons qui sont propres à l’arbre (vieillesse, pourriture, mauvais enracinement), ou sous l’action de différents agents naturels (vent, foudre, orage, pluie, neige, chute d’un autre arbre). Les essences locales, tels les hêtres, frênes, érables, châtaigniers ou pins Douglas sont repérés dans les forêts alentour et vont faire l’objet de découpe en planches à l’endroit même où l’arbre est couché.
Cette scierie mobile est un chariot rigide, en aluminium, pesant une cinquantaine de kilos et équipé d’une tronçonneuse ou une tête de coupe spéciale qui fait office de scie à ruban.
En l’absence de tracteur ou de tire fort forestier (treuil), le dé-de la machine doit se au plus près de l’arbre. Pour ce faire, celle-ci est transportée dans une camionnette jusqu’à la meilleure approche du lieu. Sur place, au moyen d’une manivelle, le chariot est abaissé pour pouvoir y hisser la grume tranchée en diverses longueurs.
La découpe de la dosse (chute de sciage correspondant à la tranche haute de la grume) peut démarrer, la grume est alors retournée de 180°, une graduation sur le support permet une mise à niveau pour les différentes épaisseurs des planches voulues.
Une manivelle qu’enroule une ficelle sert de traction à la lame de 8 mm de la tronçonneuse. Celle-ci peut faire son œuvre de tranche de la plus belle manière, même si certaines fois, la mise en place de coins est nécessaire pour arriver à bout des nœuds !
Séchage à la ferme
À ce stade de la coupe, il n est pas encore possible de connaître la destination de ces planches. Elles sont ramenées à la ferme, où elles doivent être reconstituées en grumes séchées entre des tasseaux. Il faut en moyenne deux ans pour sécher deux centimètres d’un chêne mais un humidimètre informe quand le niveau des 18 % d’humidité voire 12 % est atteint. Une fin de séchage à la verticale évite que les planches s’arquent.
Après la coupe, il faut dégager la face de référence en dégauchissant, puis la planche sera rabotée, suivent des étapes comme le rainurage, le moulurage pour des pièces comme les tenons et mortaises, ou tout simplement des objets de décoration. Ces étapes sont facilitées par un équipement complet de machines à bois que Guilhem de Lépinay a pu racheter auprès d’un centre d’apprentissage. Façonné, le bois revit sous la forme de fenêtres, étagères, tables, manches d’outils, escaliers…
Projet d’atelier collaboratif
Un atelier collaboratif en projet concrétisera de la plus belle manière l’intérêt que porte l’artisan en herbe à cette activité de menuiserie. Il est également admis qu’à une si petite échelle, il faut accepter des imperfections, des fissures, devoir en quelque sorte se réconcilier avec une baisse du niveau d’exigence mais ici on ne tend pas à là parfaite homogénéisation d’un résultat à l’image de plus grandes structures commerciales mais à apporter à chaque pièce un complément d’âme.
Le programme du mois de décembre à la Maison de la nature du Sundgau
Églantine Berthet, gestionnaire de la ferme florale du Morimont, et Chantal le Chanony, fleuriste amateur, organisent un rendez-vous floral une fois par saison. Il s’agit de laisser libre court à son imagination, de piocher dans les plantes et le matériel présent et de venir réaliser les arrangements de son choix, mais également des bouquets avec les fleurs de la saison. Chacun vient, avec ou sans matériel, avec ou sans idée… et ensemble, un projet se construit au gré des envies avec du matériel mis à disposition et grâce à une multitude de techniques (couture, tricot, crochet, tissage, collage, dessin, coupe, tressage, modelage…) et de matériaux.
6 décembre 2022